Recherches icono-photographiques sur la morphologie et sur la structure intime du bulbe humain,
leur application à l'étude anatomo-pathologique de la paralysie glosso-labio-laryngée.




Duchenne, G.-B. (Guillaume-Benjamin), 1806-1875.


Journal : Archives générales de médecine, 6th series, tome 15, vol. 1.

Paris : P. Asselin, 1870.

Description : pp. 539-547.

Subject : Paralysis (Bulbar, pseudo bulbar, glossolabial, etc.).

Note :






ICONO-PHOTOGRAPH ALBUM.


An icono-photograph album, containing numerous figures of the appearances presented by sections of the nervous centres, has just been presented by Dr. Duchenne, of Boulogne, to the French Academy of Medicine. He states he has obtained excellent results from sections of the great sympathetic nerve, the spinal ganglia, the spinal cord, and of the medulla oblongata, when magnified from 8 to 500 times. The plan was suggested some years ago by Dr. Duchenne himself, but it was found that the photographs obtained in the ordinary method were not persistent. He therefore fixed them on stone, by a process he terms photo-autography, the details of which, however, he does not communicate. It is satisfactory to find him stating that the results of his experiment and photographs only confirm the substantial accuracy of the beautiful drawing made by Dr. Lockhart Clarke on the central parts of the nervous system, and especially upon the medulla oblongata. In his later experiments Dr. Duchenne has adopted Dr. Clarke's mode of preparation with chromic acid and carmine. He states that certain micrographic details come out with wonderful clearness in the photographs, and that by this means some important additions may be made to our knowledge. Thus he has ascertained that in the white substance of the medulla oblongata there are a large number of very small nerve tubules (0.0033 m.m.) diameter mingled with others of average and of large diameter 0 m.m, 0 1 to 0 m.m, 02 and .0.3. — Nature.


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RECHERCHES ICONO-PHOTOGRAPHIQUES SUR LA MORPHOLOGIE ET SUR LA STRUCTURE INTIME DU BULBE HUMAIN,

LEUR APPLICATION A L'ÉTUDE ANATOMO-PATHOLOGIQUE DE LA PARALYSIE GLOSSO-LABIO-LARYNGÉE.

(Note jointe à un album icono-photogrophique offert en hommage & l'Académie de médecine.)

Par le Dr DUCHENNE (de Boulogne).



Depuis 1860 j'essaye d'appliquer la photographie à des recherches iconographiques sur la structure intime des centres nerveux de l'homme à l'état normal. Celles que j'ai pu terminer composent un album qui se divise en quatre séries, consacrées à l'étude : 1° du grand sympathique, 2° des ganglions spinaux, 3° de la moelle, 4° du bulbe.

Mes figures ont été photographiées directement à des grossissements divers, de 8 à 500 diamètres, d'après des sections transversales et longitudinales de ces parties du système nerveux central, durcies dans une solution d'acide chromique et colorées par le carmin.

En 1864, mes recherches icono-photographiques étaient déjà assez avancées pour qu'il me fût possible d'en présenter l'ensemble aux Académies des sciences et de médecine de Paris.

La première série des figures qui représentent la structure intime des ganglions du grand sympathique, a été seule publiée et imprimée, à l'aide des procédés de photo-autographie que j'avais essayé de perfectionner (1).

A cette époque, j'étais aussi en mesure de publier, par le tirage photographique au nitrate d'argent, les deux séries suivantes où se trouve représentée l'étude de la structure intime de la moelle et des ganglions spinaux; mais je craignis que ce tirage exposât mes figures à une destruction rapide, et le temps me manqua pour reporter mes figures photographiées sur la pierre par la photo-autographie (opération délicate qui ne pouvait être faite que par moi).

Je voulais d'ailleurs attendre que je pusse y joindre l'étude de la structure du bulbe et de la protubérance, car il me tardait d'en finir avec ces recherches iconographiques de la moelle allongée à l'état normal, afin d'arriver bien vite à représenter à l'état pathologique l'iconographie photographique de ces régions des centres nerveux, principalement dans les maladies qui, pendant tant d'années, avaient été l'objet de mes recherches purement cliniques. — Les sujets m'ayant toujours été refusés jusqu'alors, il ne m'avait pas été permis de compléter ces recherches cliniques par l'anatomie pathologique; j'allais donc enfin pouvoir m'y livrer en entrant dans une voie nouvelle !

J'avais obtenu déjà à des grossissements de 8 à 500 diamètres des figures qui représentaient le commencement de la décussation de la partie inférieure du bulbe, au niveau de la première paire cervicale. Elles étaient d'une finesse remarquble et faisaient partie de l'album qui avait été présenté, en mon nom, en 1863, à l'Académie des sciences, par M. Cl. Bernard. J'avais rassemblé dans une collection d'autres sections transversales du bulbe, faites à plusieurs hauteurs, ce qui m'aurait permis de continuer ces recherches icono-photographiques.

Mais j'ai dû les suspendre, parce qu'à cette époque je ne comprenais pas encore tous les détails morphologiques qui apparaissent dans ces sections, bien que j'eusse cherché à m'éclairer surtout des beaux travaux de MM. Stilling, Schrœder van der Kolk et Lhuis. En outre, je ne trouvais pas une parfaite concordance entre mes figures photographiées d'après nature et les dessins publiés par ces auteurs (2).

Je me trouvais donc ainsi arrêté dans mes recherches, lorsqu'en 1867, le célèbre micrographe anglais, M. Lockhart Clarke, qui était venu visiter notre Exposition universelle, voulut bien m'expliquer, sur de belles sections du bulbe qu'il avait préparées lui-même, le mode de formation (la morphologie) de cette région de l'axe cérébro-spinal. Il me montra principalement les noyaux ou amas de cellules, d'où les nerfs tirent leur origine intra-bulbaire, et les fibres multiples qui en émanent et les mettent en connexion avec d'autres noyaux, par exemple le faiciculus teres (noyau de la septième paire, avec les fibres nerveuses qui l'entourent ou l'avoisinent, et qui se dirigent de là dans bien des directions). Grâce à ces notions, il m'a été possible de continuer alors mes recherches iconographiques et photographiques sur la structure intime du bulbe, et d'exécuter, pendant l'été de 1868, à l'aide de la microscopie solaire, les figures photographiées les plus importantes de cette étude.

Je suis entré dans tous ces détails, parce que je tenais à montrer que le principal mérite de mes recherches iconographiques et photographiques sur le bulbe est de confirmer et – oserai-je le dire? – de compléter le récent et magnifique travail de M. L. Clarke (3), pour ce qui a trait à la structure intime du bulbe humain.

Certains détails micrographiques importants, qui avaient besoin d'être démontrés, sont mis en lumière dans mes figures photographiées. On y verra, par exemple, que dans la substance blanche du bulbe existe une grande quantité de très-petits tubes nerveux (0mm, 0033) mêlés à des tubes gros et moyens (0mm,01 à Omm, 02 et 03). J'avais depuis longtemps montré sur des ligures photo-autographiées les mêmes dispositions anatomiques dans les cordons de la moelle et dans les racines qui en émanent (4).

Je viens de faire hommage à l'Académie de l'album qui contient ces recherches sur la structure intime du bulbe, avant sa publication.


Je vais essayer de faire ressortir l'utilité de ces recherches icono-photographiques sur la structure du bulbe, en faisant une application des notions qui en ressortent, par exemple à la pathogénie de la paralysie glosso-labio-laryngée.

Je n'eus pas plutôt exposé, en 1860, l'étude clinique de cette maladie (non encore décrite à cette époque), que je fus véritablement tourmenté par le désir de rechercher l'explication physiologique de la série de symptômes qu'elle avait successivement offerts à mon observation, pendant sa marche progressive. Il était établi par mes faits cliniques : 1° que la paralysie glosso-labio-laryngée atteint d'abord l'articulation des consonnes linguales, et un peu plus tard celle des labiales; que le pouvoir d'articuler se perd aussi progressivement ; 2° qu'en même temps la déglutition est atteinte et devient de plus en plus difficile; que la voix est nasonnée et que le mouvement de diduction de la mâchoire inférieure se paralyse peu à peu (5) ; 3° que, dans une période peu avancée de la maladie, la puissance expiratrice s'affaiblit, ainsi que la phonation ; 4° que, dans la période ultime, les fonctions cardiaques sont quelquefois profondément atteintes ; enfin que le cœur cesse tout à coup de battre et conséquemment que la mort est instantanée.

« Pour quelle raison, écrivais-je en 1860, la lésion anatomique (dans cette maladie) affecte-t-elle toujours les muscles qui président à l'articulation des mots et à la déglutition ? Et puis, me demandais-je, peut-il exister une lésion centrale, soit anatomique, soit dynamique, qui donne raison à la localisation de ces troubles fonctionnels périphériques? Il faudrait pour cela que, dans cette espèce morbide, la même et unique lésion intéressât toujours à leur origine, et cela sans s'étendre aux nerfs ni aux filets : 1° l'hypoglosse; 2° les fibres motrices du voile du palais ; 3° celles des lèvres ; 4° le spinal et peut-être le pneumogastrique » (6). Ces lignes ne prouvent-elles pas que déjà l'observation de ces faits cliniques me faisait entrevoir que les organes centraux (les cellules) qui président au fonctionnement de la parole, pour ce qui a trait à son mécanisme, pouvaient être assez rapprochés les uns des autres pour être atteints successivement ou tous à la fois par la même lésion? Je ne me dissimulais pas cependant les difficultés de la question anatomique à résoudre.

Les autopsies qui ont été faites depuis que j'ai écrit ce qui précéde m'avaient démontré que la lésion anatomique de cette maladie siége dans le bulbe (7). Mais cela ne faisait que reculer les .................................

Continued »»



(1) Duchenne (de Boulogne), Anatomie microscopique du système nerveux de l'homme; recherches à l'aide de la photo-autographie sur pierre ou sur zinc (1re série); Paris, 1865.

En 1864, j'avais présenté aux académies des sciences et de médecine deux planches lithographiées représentant des coupes transversales de racines spinales à l'état normal, et de racines atrophiées dans l'ataxie locomotrice, comme spécimen d'un essai de photo-autographie sur mitai ou sur zinc.

(2) J'ai pris la liberté de soumettre cette remarque critique à M. Stilling, qui, ayant été frappé de la netteté et de l'exactitude de mes figures photographiées d'après des coupes transversales de la moelle et du bulbe, m'a fait l'honneur de me visiter en 1869, avec le désir de connaître mes procédés de photographie. Il est convenu que certaines figures de son atlas, publié, en 1843, sur la structure intime du bulbe (de medulla ohlongata) laissent à désirer, au point de vue de la fidélité, et peuvent donner une idée inexacte de la morphologie du bulbe. On remarque, par exemple, dans la figure 4, P. III, de cet atlas que les corps restiformes sont déjà arrivés à un certain degré de développement et que les pyramides postérieures n'apparaissent pas encore, tandis que ce devrait être le contraire ; que, dans les figures 1 et 2, P. IV, les corps restiformes et les pyramides postérieures ont déjà atteint la circonférence, tandis qu'ils devraient en être encore à une certaine distance et séparés par de la substance blanche. Ces inexactitudes, m'a-t-il dit, ont été commises par son dessinateur. Je m'empresse néanmoins de reconnaître que les figures de l'atlas de Medulla oblongata (1843), de M. Stilling, sont en général d'une admirable exactitude, bien qu'il ait été impossible a la main de l'homme de suivre et de rendre les mille détails que produit la photographie, d'après les coupes transversales du bulbe.

(3) J. Lockhart Clarke, On the intimate structure of the brain, 2e série.— From the philosophical Transactions, part. 1; Paris, 1868.

(4) Duchenne (de Boulogne), Photo-autographie ou autographie sur métal et sur pierre de figures photo-microscopiques du système nerveux, 1864. Mémoire présenté à l'Académie des sciences.

(5) Ce dernier fait avait échappé à mes premières observations, mais depuis la publication de mon mémoire dans les Archives, je l'ai constaté chez tous les malades arrivés à une période un peu avancée de la paralysie glosso-labio-laryngée.

(6) Duchenne (de Boulogne), Paralysie musculaire progressive de la langue, etc. Archives gén. de méd., numéros de septembre et octobre, 1860.

(7) M. Lhuis et moi nous pensions avoir constaté, chez plusieurs de ceux qui avaient succombé à la paralysie glosso-labio-laryngée, dans le service de feu mon regrettable ami, le professeur Trousseau, la sclérose du bulbe, parce que nous y avions trouvé une quantité considérable de corpuscules amyloïdes. Aujourd'hui, connaissant mieux mon anatomie du bulbe et plus familiarisé avec la préparation des pièces anatomiques, je n'aurais pas négligé de chercher si, oui ou non, il existe des altérations de cellules.





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